« AHATA – ANAHATA » (L’AUDIBLE ET L’INAUDIBLE)

A propos de « AHATA – ANAHATA »

Lorsque, jeune élève d’Olivier Messian au Conservatoire de Paris, nous avions abordé avec le grand compositeur l’étude de la rythmique hindoue, Alain Daniélou avait été cité comme l’une des rares références en la matière ; du moins, à l’époque. C’était la première fois que j’entendais parler des rythmes et des modes hindous, rythmes à caractère universel, car ils se retrouvent assez souvent, de façon cachée, inconsciente, presqu’à l’insu du compositeur, dans maintes œuvres classiques, de facture occidentale.

Un « tala », ordinairement traduit comme étant un « rythme », est bien plus qu’un simple rythme ; chaque structure rythmique, constituant en soi un cycle, possède un nom pour le décrire, nom symbolique qui en indique le caractère ésotérique.
Et il y en a ainsi des milliers, décrits par Sarngadeva, au 13ème siècle, dans son immense traité, le « Sangita Ratnakara » , signifiant « Océan de la Musique ». L’origine même du son est d’ordre divin, sacré. Ainsi, une note, « swara », est beaucoup plus qu’une note produite de façon mécanique, de façon uniquement physique. Elle est l’énonciation, la signature de l’âme spirituelle qui la joue.

En Inde, la musique est un art « révélé », car le Son EST Dieu : « Nada Brahma ».
Le Son est Créateur ; et, de l’émission du Son originel – dont la prononciation est l’Oblation du Sacrifice, sous la forme consubstantielle d’« Agni », le Feu Créateur … sont formés les mondes, la parole, le langage, les gestes, comme autant de déclinaisons de l’Esprit Saint et de l’Ame Divine.
Symphonie de sons et de couleurs jouant au sein de Dieu, Ivre de son propre Jeu, sa Divine Lîla, en l’extase de son Auto-Manifestation ; en – et par – ce Pouvoir de Manifestation, Il Emane sa Force, sa Toute-Puissance, sa Parèdre : la « Shakti » Divine, la « Mère des Mondes », la Vierge Universelle, l’Océan Primordial, dont Elle est l’Entité.
Entité de la Relativité, et Lui, le Principe Suprême.
Amoureusement enlacés, indissociables, Deux en Un, Ils Constituent l’Unité Fondamentale sur laquelle Tout Repose. Une Transe Supramentale, au Sommet de la Création.
Ainsi, Non Révélé, Silence, Inaudible, ce Son originel se Révèle-t-il, se Manifeste-t-il comme un son audible : « Ahata ».

Ici, ce qu’écrit Isabelle Clinquart dans son « Petit Traité de Musique Carnatique » prend tout son sens, à sa vraie place. Je la cite : … « Ainsi le son musical et l’expérience musicale sont-ils des pas vers la réalisation de Soi. La musique est considérée comme une discipline spirituelle qui élève l’être intérieur à la paix et à la félicité divines. L’un des buts fondamentaux d’un Hindou est la connaissance du vrai sens de l’univers, de son immuable et éternelle essence, et cet objectif est réalisé d’abord par une parfaite connaissance de son propre Soi.
Le plus haut but de la musique est de révéler l’essence de l’univers, et les ragas font partie des moyens d’appréhender cette essence. Ainsi, à travers la musique, on peut atteindre Dieu ».

Nous voici donc bien loin de ce qu’est devenu progressivement, au cours des siècles, la musique occidentale, laquelle, petit à petit, s’est détachée des fondamentaux sur lesquels reposent l’apparition successive – les unes après les autres – des notes musicales ; formant entre elles des intervalles basés sur des nombres entiers ; ainsi, les facteurs 2,3, et 5, suscitent toute l’échelle des sons perceptibles à l’oreille humaine, et utilisables musicalement grâce à l’emploi de gammes ou de modes musicaux élaborés à partir de chacun de ces sons, dont hauteur et fréquence sont tout sauf imprécises. Sons « naturels »,. Intonation juste.

Ces intervalles – ou proportions primordiales basées sur des nombres entiers qui se retrouvent partout dans la Nature de façon constante, et aussi qui jouent un grand rôle dans notre système mental de perception-communication -, ces intervalles disais-je, sont inscrits
profondément dans les strates les plus profondes de ce qui structure et élabore, tant notre système nerveux, que dans ce qui, au cœur-même de notre cerveau, constitue notre mode de réception et d’interprétation des messages sonores, en en décryptant le sens, la signification ; notamment, ceux d’ordre musical, reposant sur des principes sémantiques tout à fait précis : ainsi, le facteur 2, président à l’intervalle d’octave, « ouvre » l’espace, détermine le cadre spatial dans lequel évolueront les sons venant l’emplir.

Les registres sont déterminés, en général de haut en bas, d’octave en octave (facteur 2) et, en tant que tels, déjà, ces registres sont « signifiants », significateurs.

Ainsi, les trois mondes védiques, apanage des dieux qui règnent sur eux (les trois « enjambées » du dieu à face de singe, Hanuman, lequel « bondit » de l’Inde jusqu’à l’île de Ceylan, franchissant le bras de mer d’un bon gigantesque pour aller délivrer Sita du démon Ravana qui la retient prisonnière peuvent-ils être évoqués et « entendus » de façon tout à fait puissante, magique et opératoire, en faisant sonner à l’oreille humaine ces trois registres.
Ce que vous entendrez, à un moment, dans le cours de l’œuvre dont le présent texte constitue une sorte d’introduction.

Alors que le facteur 2 produit toujours un son à signification similaire – d’octave en octave – le facteur 3, lui, a pour fonction de permettre de différencier le caractère expressif des sons.

« C’est sur la base de cette observation qu’ont été élaborés en Grèce et en Chine, et en Inde, bien sûr, des théories de l’échelle sonore basées sur ce que l’on appelle le « cycle des quintes », utile pour l’accord des instruments de musique entre eux, mais d’une manière relative et limitée ; ceci ne s’avérant vrai que des premières quintes, car très vite nous atteignons une limite au delà de laquelle notre appareil audio-mental est incapable d’identifier les sons, de leur attribuer une signification précise ». (Alain Daniélou, « Sémantique Musicale », page 45)

N’oublions jamais, par ailleurs, que ces « significations » sont essentiellement d’ordre ésotérique, s’adressant à des régions de notre être d’ordre supraconscientes ou même subconscientes, régions de notre être où sont inscrits – comme gravés sur une gélatine subtile – de tels « signifiants » vibratoires ; ce qui a le pouvoir – infiniment plus grand qu’au niveau du simple psychologique – de déclencher des réponses extrêmement puissantes, profondes, tant dans la conscience individuelle, que collective, auxquels s’adressent ces structures vibratoires et ces formes d’ondes, par le truchement de notre cerveau … et de nos oreilles !

En ce sens, et pour faire rapide, le facteur 3 représente toujours le mouvement, l’activité. Il détermine la différenciation, les cycles, le temps relatif et la perception.

Perception ; mot essentiel toute une échelle, allant des perceptions les plus basses et ordinaires, jusqu’à celles de la « conscience éveillée », celle de l’initié ou du yogi, celle du guerrier, capables de déployer les « ailes de la perception », et ainsi atteindre des états de conscience accrue, à l’instar des mystiques soufis ou des guerriers toltèques ; … à l’instar des grands musiciens initiés de l’Inde ou de Perse, ou des Etres Célestes, tels que le grand rishi Narada, lequel reçut directement de la « Trimurti » (la Trinité hindoue, « Brahma, Vishnou, Shiva ») la révélation de l’art de la musique, la transmettant à son tour à d’autres sages, et ces derniers, à l’humanité toute entière.
C’est dire, l’importance de cette « manne »; …l’importance fondamentale, de bien considérer « ahata », le « son audible – et la musique qui en est la syntaxe – comme une nourriture essentielle du corps et de l’esprit.

Et savoir discriminer ce que l’on écoute ; comprendre, vraiment comprendre, combien ce qui pénètre en nous, sous la forme essentielle de son et de musique, peut avoir comme effet constructeur, guérisseur, éveilleur, harmonisateur, source de force et de santé, de lumière et de joie, de vraie connaissance ; … ou, a contrario, destructeur, facteur de névroses multiples, de dépendances, de maladies épouvantables de toutes sortes, d’abrutissement et de déséquilibres profonds au sein de l’individu et de la société, facteur perturbateur, source de violences terribles et d’accidents de toutes sortes.
Tant nous engloutissons de cet « audio », audio que nous dévorons, consommons allégrement, de façon automatique et à travers nos impulsions vitales les plus flatteusement primitives ; lequel audio, très souvent, non plus musique, mais ronflements et boursouflures, barbarismes, comme preuve, s’il en fallait, d’une méconnaissance absolue, d’une ignorance totale, d’un oubli de la part de notre humanité, de ce que sont les authentiques pouvoirs supérieurs du son
lequel audio … ayant de plus en plus tendance, hélas, en nos jours obscurs et dévoyés, à devenir un pur poison, ceci tant sur le plan rythmique que sur le plan des vibrations sonores les plus sombres, basses et épaisses qui soient, faisant tourner les centres vitaux de l’homme – ses plexus – en sens inverse ; de telles vibrations sont de véritables torpilles tueuses, introduites au sein même de la cellule, dans les soubassements du corps physique, y inoculant les vibrations de mort, que beaucoup prennent pour la jeunesse et la vitalité défoulante de la vie. Terrible marché de dupe ! Que nous paierons tôt ou tard au prix fort, collectivement.

Alors que pourrait y être introduits les « mantras », les formules vocales puissantes des sons secrets – Nada Brahma -, porteurs et véhicules d’Immortalité.

Après avoir déjà évoqué, an cours de ce texte, les facteurs 2 et 3 (donnant lieu à l’octave et à la quinte ou son inverse, la quarte), citons ce que dit Alain Daniélou du facteur 5 (au numérateur, 5/4 – 5/3 – 45/32 – 15/8 – 10/9, etc.) : « L’émotion, la sensation apparaissent avec le facteur 5. Tous les intervalles qui déclenchent un mécanisme émotionnel utilisent des facteurs 5. Tous les rythmes à caractère hypnotique sont sur des bases de 5 ». (Sémantique Musicale, page 63)

Je pourrais encore multiplier exemples et citations, mais nous n’en aurions pas la place, dans le cadre de ce texte. Toutefois, il me semble important, une dernière fois ici, que nous nous référions à ce qu’écrit Alain Daniélou, toujours extrait de « Sémantique Musicale », page 56 :

«L’existence des trois éléments numériques (2,3,5) dans la pratique de tous les systèmes musicaux est aisément démontrée par l’expérience, pour toute musique non conditionnée par des instruments à sons fixes, à condition que les mesures soient faites sur la musique vivante, ayant un contenu sémantique et émotionnel. Par ailleurs, leur utilisation systématique donne des résultats psycho-physiologiques immédiatement observables. Si, par contre, la musique devient une construction abstraite qui ne tient pas compte de notre système mental de perception-communication, son effet direct sur nos mécanismes vitaux est très affaibli. Il est bien évident qu’il est possible d’établir des divisions de l’échelle sur d’autres bases que celle des intervalles dits « naturels », mais les intervalles obtenus sont alors transposés dans notre perception qui les assimile à des intervalles voisins du système 2-3-5. L’affaiblissement notable de l’effet psycho-physiologique de la musique, est dû au fait que l’énergie mentale est employée à des feed-back pour l’interprétation des sons.
La musique occidentale vit en effet sur un système sonore artificiel reposant sur un ajustement mental constant par un mécanisme de feed-back. De plus, la théorie et la notation musicales en Occident ne tiennent pas compte des réalités physiques et physiologiques basées sur des phénomènes contrôlés de l’audition qui n’ont rien à voir avec les théories des traités d’harmonie et d’acoustique qui sont en grande partie basées sur des observations approximatives faites sur des instruments de musique inexacts. Ces observations n’ont souvent d’ailleurs pas été vérifiées depuis Pythagore et les systématisations de ses successeurs grecs, arabes, ou européens.
Des expériences faîtes sur des instruments accordés de manière adéquate sont convaincantes et trouvent d’ailleurs leur application immédiate dans les formes mélodiquement précises, telles que, par exemple, la musique classique indienne, le flamenco authentique ou les improvisations de jazz.
Des musiciens, au premier abord très sceptiques, se sont montrés profondément surpris lorsqu’ils ont eu entre les mains des instruments accordés avec précision selon les principes du binaire, ternaire et quinternaire ».
Ce qui est précisément le cas de cet instrument électronique inventé par le regretté Alain Daniélou, «le Semantic », un prototype mis au point par des informaticiens et ingénieurs acoustiques ayant pu travailler directement sous la direction de l’éminent philosophe et ethnomusicologue.
N’ayant jamais encore été utilisé par un compositeur, cet instrument offre la particularité d’être accordé d’une façon extrêmement précise d’après l’échelle des intervalles mise en valeur et exposée au grand jour par Alain Daniélou dans certains de ses ouvrages traitant de musicologie comparée et de sémantique musicale.

A signaler, toutefois, les points faibles de l’instrument dans son état actuel : une série de timbres fort limités et assez peu convaincants pour la musicalité qu’ils nous offrent, un manque d’expressivité au niveau du toucher, un clavier horizontal à boutons d’accordéon ne permettant pas vraiment un jeu tout en virtuosité (à moins d’être peut-être un accordéoniste expérimenté !), aucune possibilité de « vibrato », ni de « glide », ou de « pitch bend », alors que les notes glissées, ce que l’on appelle le « meend», dans la musique indienne, est chose essentielle pour exprimer, non seulement la musicalité propre à l’interprète, mais permettre des inspirations de génie pour aller capter de temps en temps une note inouïe, dans le cours d’un raga et de son développement dans la durée.

Il était cependant d’un intérêt majeur de permettre la création d’une première oeuvre conçue pour le Semantic (donc jouée sur cet instrument), ceci afin d’expérimenter dans le cadre d’une oeuvre contemporaine inspirée par la Philosophie Esotérique du Son brièvement évoquée au début de ce texte, ce qui pourrait devenir progressivement – à condition de persévérer -, les bases d’un nouveau langage musical pour les compositeurs occidentaux; leur ouvrir de nouvelles portes et de nouvelles fenêtres débouchant sur des promesses et des paysages d’une richesse et d’une beauté incommensurable; une musique renouvelée, s’appuyant sur des principes de l’ordre du sacré et du divin, l’apanage d’une nouvelle ère de l’humanité dans le domaine de l’art des sons, comme dans tout le reste, l’un ne marchant pas sans l’autre.

Ma démarche est-elle sans doute maladroite, encore imparfaite et pleine d’inexactitudes, mais aura-t-elle peut-être le mérite de faire oeuvre de pionnier, ce qui a toujours un peu été ma marque de fabrique, hors des sentiers battus, tant pour ce qui concerne la musique que pour tout ce qui a trait à l’existence humaine en général.

« Ahata-Anahata » (littéralement, l’Audible et l’Inaudible) a été composée sur le Semantic, à partir de ce qu’il propose de plus intéressant, à savoir la possibilité d’utiliser toute une échelle d’intervalles que ne produit pas le système de la gamme bien tempérée occidentale (l’octave étant divisée en douze intervalles, en principe égaux et identiques à eux-mêmes, d’octave en octave, mais dont certains ne sont pas des intervalles naturels) ; le Semantic, lui, au contraire, met à disposition du musicien, une échelle de 36 notes ou micro-intervalles par octave, parmi les 52 constituant la gamme de Daniélou.
Cette oeuvre étant d’une durée relativement courte pour une musique basée sur un système modal (et non pas tonal), où le « facteur temps » est fondamental pour établir toute l’atmosphère de la pièce de musique interprétée – notamment, par le truchement du « drone » ou tenue ininterrompue de la tonique (la tonique du mode utilisé étant tenue tout au long dudit mode, lequel sera développé au cours du raga joué par le musicien, chanteur ou instrumentiste) -,je n’ai travaillé essentiellement que sur deux modes, dont les toniques sont, successivement, un Mi bémol – (correspondant à un intervalle de tierce mineure faible, à partir du Do pris comme tonique; Mi bémol moins, correspondant à la fraction 75/64, ayant pour caractère la tristesse et la désolation), et le Fa naturel (4/3) dont le caractère, en tant qu’intervalle, par rapport au Do tonique, est le calme et la tranquillité, la passivité ; cette dernière, nous le savons, constitue toujours, en réalité, une immense force.
Sur ce calme et celle tranquillité peuvent donc s’établir une grande force, un grand pouvoir.
Aussi l’ai-je utilisé pour, le moment venu, exprimer ce pouvoir et cette force, cette intensité, laquelle n’est jamais, en aucun cas, violence, comme dans la musique rock, par exemple. L’auditeur l’éprouvera, le ressentira de lui-même, mieux que par des mots ou des explications.

Le Fa est une note d’une extrême importance dans la tradition musicale hindoue, si on la considère comme formant l’intervalle de quarte, à partir du Do tonique (shadja) dans l’échelle des sept notes ou swaras que compte la gamme de la musique indienne, hindoustanie ou carnatique.
Quant aux « shrutis », ou micro-intervalles entre les swaras, il y en a vingt-deux, mais en réalité beaucoup plus, plus ou moins tenues secrètes.

Sans rentrer dans des considérations qui nous entraîneraient fort loin, la gamme basée sur la note Fa – Madhyama grâma – la gamme de mèse, est celle qui aide à la méditation et est utile pour la formation du caractère.

Nous entendons sonner ce Fa comme tonique dans toute la partie centrale et finale de «Ahata-Anahata », mais la clé subtile qui se manifeste comme pour introduire la résolution-conclusion du rituel védique, est le second degré, «rishaba », la note du Taureau Sacré (rikhab), associé à la Lune et au « soma » – le breuvage d’immortalité des dieux, provoquant la transe extatique – et qui se trouve être ici, en réalité, la quinte juste (3/2) du Do, la quarte inférieure du Fa.

« Ahata-Anahata» (l’Audible et l’Inaudible) : le coeur de l’oeuvre est « le Semantic », mais la partition a été conçue en tant que Rituel Védique transposé en musique, dramaturgie musicale, hautement signifiante, en laquelle l’Inaudible provoque l’Audible, et l’Audible attire à lui l’Inaudible, tel l’Aigle fondant sur l’Agneau (symbole de l’âme).
Le pouvoir occulte d’ « Anahata» (l’Inaudible) étant incorporé en « Ahata»(l’Audible), c’est une des raisons pour laquelle « l’Audible» porte en lui cette capacité de révéler « l’Inaudible ».

La complexité, mais pourtant l’extrême simplicité, et surtout l’unité absolue des deux aspects de «nada» (1) (le Son Primordial, par-delà l’Audible et l’Inaudible), l’interpénétration complète de l’Inaudible en l’Audible, et de l’Audible en l’Inaudible – Deux en Un -, véhicule non seulement un grand pouvoir, une grande puissance, mais une extase toute intérieure, que l’on pourrait tout à fait comparer à l’ivresse spirituelle – incluant le corps physique -, celle de l’Amour extatique de l’Ame pour son Amant Divin.

Un tel Pouvoir du Son ou « Sons de Pouvoir », tel est le substrat du langage des Dieux, la signature occulte des Principes par lesquels Ils manifestent les mondes; ils sont les énergies cosmiques que Nada Brahma Crée à partir de son divin pouvoir d’auto-manifestation.

Alors que chaque lettre d’un alphabet correspond en principe à un son bien déterminé (un phonème) – et dont l’articulation et l’émission par le positionnement de la langue à l’intérieur du palais ne sont pas choses fortuites -, en est-il de même pour l’Alphabet Divin … dont fait usage le Seigneur Suprême : l’Etre Ineffable Prononce les formules de pouvoir (mantras) et les versets sacrés (slokas) de sa Propre Création – le Livre du Monde – sur lesquels, basés sur des intervalles spécifiques (des nombres entiers, des proportions sacrées) et des structures rythmiques gardées secrètes, l’immortalité fondamentale de la Puissance-Vie, Danse et Chante :

un Chant, une Danse, lesquels sont à la fois, Candélabre de Lumière, et le Naga Royal, le Serpent Descendant et Ascendant, du Feu Secret: « Agni », le Créateur :

…le Pouvoir de Manifestation du Son Primordial (Pouvoir Créateur, lequel en Lui-même est un pouvoir d’Alignement et d’Assemblage des filaments ou cordes cosmiques, semblables aux Cheveux du Seigneur Surprême, les Vents-Chevelure de Shiva) … embrase les pouvoirs supramentaux de Dieu, principes de création lesquels, au sein de la Divinité Suprême, sont ses propres organes, des mondes, des divinités intérieures, des plexus ou chakras, des demeures, des piliers, des Arches Saintes du Pouvoir-de-Volonté.

D’inconcevables dimensions. Proportions Intérieures, Inhérentes à la Trinité Manifestée de Dieu.
Chakras: «Merukhand », Colonne Vertébrale, symbolisée par la montagne sacrée, le Mont Méru, au sommet duquel est le séjour des dieux, l’Axe du Monde, celui de tous les mondes et de toutes les créatures; le Rayon de Création, la Gamme Cosmique.
L’Echelle du Monde, le long de laquelle montent et descendent les âmes; évoluent les Notes (swaras), inspirées des dieux.
Ces « notes » sont des êtres. Les ragas, des entités invisibles, des êtres divins. Des Sons Silencieux, messagers de la musique des sphères, et qu’il faut savoir capter, entendre profondément à l’intérieur de soi-même, dans le silence profond de l’esprit. « Nada Brahma ».

Igor Wakhévitch.
Genève le 5 Juin 2006