L’instrument

Développé sur une idée d’Alain Daniélou et à sa demande, accordé conformément à sa théorie, le Sémantic Daniélou est un instrument de musique électronique conçu par Michel Geiss, Christian Braut, Jean-Claude Dubois et Philippe Monsire. Il fait suite à une précédente réalisation, le S52, autre instrument créé par Claude Cellier et André Kudelski. Le S52 était destiné à vérifier la théorie, mais difficilement utilisable par le musicien, surtout sur le plan de l’ergonomie, et avec des sonorités très basiques.

Le Sémantic est un instrument de musique à part entière. Pour en simplifier le jeu, Alain Daniélou a décidé de n’utiliser que 36 des 53 notes de la gamme (3 choix pour chacune des 12 notes), les autres notes étant selon lui moins essentielles.

Le Sémantic Daniélou se présente sous la forme d’un instrument complet, « prêt à jouer », totalement autonome avec son système d’amplification et de diffusion, et d’un accès facile par le musicien et le compositeur. Dans sa première version, il se composait d’un générateur de sons K2000R Kurzweil, d’une partie électronique de commande et de deux claviers à boutons issus du Midy 20 Cavagnolo. Un système d’enceintes amplifiées permet au Sémantic Daniélou d’être indépendant d’une sonorisation externe. L’instrument offrait une vingtaine de sons différents dont les timbres simples avaient été choisis de façon à mettre en valeur la théorie d’Alain Daniélou. Pour prendre en compte l’expression du musicien, on disposait d’une action sur le volume des sons par la vitesse d’enfoncement des touches du clavier (la « vélocité »). De plus, des pédales d’expression de sustain et de volume, et des potentiomètres permettaient d’influer sur l’attaque et le relâchement des enveloppes d’amplitude, sur le timbre, etc.

Pour cette première version, le K2000R Kurzweil avait été choisi, entre autres raisons, pour sa possibilité d’accorder chaque note au cent près (1/100ème de demi-ton). En d’autres termes, dans le cas le plus défavorable, la hauteur d’une note de cet instrument ne s’écartait que d’un demi-cent de sa valeur théorique de Daniélou, une très faible erreur, qu’il avait admise. On peut contater, par exemple, qu’élever d’un cent les notes C1 (65,406 Hz) et C6 (2093,005 Hz) équivaut à augmenter respectivement leur fréquence de 0,0378 et 1,209 Hz.

Par rapport au clavier piano traditionnel, le clavier à boutons présente deux avantages. Tout d’abord, son apparence en est suffisamment éloignée. Le clavier piano, dans l’esprit des musiciens, est synonyme de tempérament égal. Il a donc été considéré qu’avec un instrument aussi nouveau que le Sémantic Daniélou, il valait mieux d’emblée se dégager des idées reçues, entre autres celle des notes d’un piano . De plus, par rapport à l’écart des doigts d’une main, ce clavier compact permet une sélection d’un plus grand nombre de notes que sur un clavier piano, ce qui est très utile pour la « jouabilité » de l’instrument qui comporte trois fois plus de notes par octave que sur un clavier piano.

Le Sémantic Daniélou comporte donc deux claviers de 105 touches au total (dont l’un pour la main gauche et l’autre pour la main droite), pour une plage de quasiment six octaves. Il est par ailleurs possible de le transposer par semi-tons ou par octaves. L’espace occupé par 105 touches des claviers est de 40 cm sur 10 cm. A titre de comparaison, une octave de la gamme Daniélou s’étale sur une longueur de 13 cm environ, alors que sur un clavier piano, pour le même nombre de notes, elle serait de 36 cm, près de 3 fois plus.

L’instrument décrit ci-dessus a été utilisé en concert, à Paris, Rome, Venise et à l’Abbaye du Thoronet (département du Var). Bien que fonctionnel, ce premier projet est resté pendant plusieurs années à un stade de développement correspondant à la technologie disponible dans les années 90, avec une palette sonore rudimentaire.

A son initiative, Michel Geiss conçoit ensuite une version considérablement améliorée bénéficiant des évolutions récentes de l’informatique musicale. Celle-ci voit le jour en 2013. Il y intègre un puissant ordinateur pour la production et la gestion des sons. Cette mise à jour technologique majeure donne accès à des sonorités beaucoup plus très riches et variées et aussi largement plus expressives qu’avec la version d’origine, tout en permettant très une précision 1 000 fois plus grande sur les hauteurs (un 1 000ème de cent). De plus, un pitchbend à ruban a été ajouté, afin de pouvoir jouer des variations fines et progressives, à la manière des Ondes Martenot. Enfin, l’utilisation d’un ordinateur en remplacement de l’ancien système permet de modifier les sonorités existantes et d’en ajouter ultérieurement de nouvelles. Cette informatisation ouvre aussi la possibilité de piloter les sons en interne par un séquenceur ou un arpégiateur, sans modification de la structure physique de l’instrument.